Contribution #2

Manifeste pour la Sologne

Le soir, un doux soir de printemps,
Un dernier oiseau chante,
Non, pas un rossignol,
Un rouge-gorge, je crois.

Silence, il s’est endormi.

Il y a quelques années encore,
Quelques sangliers venaient grignoter les escargots
Sous le noyer, devant ma fenêtre.
Je les entendais à peine se déplacer,
J’entendais juste le bruit des coquilles éclatées dans les mâchoires.

Festin tranquille

La forêt était longue
Le long du canal
Au fur et à mesure que la carrière de sable avançait vers Gièvres
Les arbres repoussaient
Certes, beaucoup sous la main de l’homme
qui plantait des pins depuis deux cents ans.
Ils étaient encore jeunes ces arbres,
Mais ils étaient déjà la promesse d’un fourmillement de vies.
D’autres arbres, d’autres plantes, et puis des bêtes,
Des petites et des grandes.

J’aimais la Sologne alors.
Rencontre avec des chevreuils,
Une mère et son petit au détour d’un bosquet.
Là-bas, de l’autre côté de l’étang
Quelques renardeaux jouent à disparaitre dans les grandes herbes.
Les ronciers frissonnants des créatures qui l’habitent.
Sologne sacrée
Animale,
Animée d’une âme.

Aujourd’hui, la Sologne se meurt,
La forêt disparaît et poussent des plantes de métal et de verre.
Pas de bêtes sauvages, pas même de papillons, il n’y a plus de fleurs,
Une gangrène a pris sur chaque membre de cet organisme,
Une gangrène puante et aveuglante.

Profits, rentabilité, bénéfices
Raison, cartésianisme, calculs,
Puissance, orgueil, conquête
Ceux qui nous tuent,
Car qui suis-je sinon une autre bête ?
Ceux qui nous tuent donc, sont nos maîtres.
Ceux que nous nous sommes donnés nous-mêmes,
Cette cohorte de fous enfermés dans leurs chiffres incohérents,
Dans leurs idéaux ineptes,
Leurs vertus mensongères.

Mais si la Sologne se meurt,
Elle n’est pas encore morte.
Quelques ilots subsistent.

La nuit est douce
Le chant des grenouilles envahit l’espace de ma chambre.
Et je vais m’endormir en leur compagnie.