Contribution #3
Je ne suis pas de Sologne.
Je n’y ai pas grandi.
Mais quelque chose, dans votre appel, m’a profondément parlé.
Je suis née en France, mais mes racines sont à Pondichéry, sur les côtes de l’Inde.
Une terre marquée par les stigmates d’un pouvoir venu d’ailleurs.
Un pouvoir qui s’est imposé par la force, qui a redessiné les usages, accaparé les ressources, effacé les savoirs locaux et tenté de remplacer les imaginaires par les siens.
Vous dites que la Sologne est en train de devenir un territoire fracturé, vidé de ses habitants, de ses usages populaires, de son lien avec le commun.
Vous dénoncez l’extension sauvage des plateformes logistiques, l’effacement des paysages, la transformation silencieuse d’un territoire vivant en marchandise rentable.
Tout cela, je le comprends profondément.
Tout cela, je l’ai entendu. Je l’ai porté en héritage.
En lisant votre appel, j’ai été saisie par un sentiment de reconnaissance. Ce que vous vivez en Sologne n’est pas étranger à ce que d’autres peuples ont vécu avant vous et que nous continuons de vivre ailleurs. Il s’agit d’une colonisation moderne, sans uniforme ni drapeau, mais tout aussi brutale, arrogante, indifférente à la vie des gens et à celle des paysages.
Les ultra-riches qui s’emparent de vos forêts, de vos chemins, de vos villages, qui privatisent les terres, engrillagent l’horizon, imposent leur présence par l’argent et la distance sociale, me rappellent les anciens gouverneurs coloniaux, les propriétaires terriens d’outre-mer, les administrateurs qui ne venaient pas pour vivre, mais pour dominer, exploiter et s’en aller.
Le langage change, mais les intentions demeurent : soumettre, exploiter, se couper du commun.
C’est pourquoi je vous écris aujourd’hui, pour vous dire que votre combat dépasse les étangs, les forêts et les villages de Sologne.
Je ne connais pas chaque étang, chaque chemin de votre région.
Mais je sais ce que c’est que d’être dépossédée de son paysage, de sa culture, de son avenir.
Les logiques sont les mêmes.
C’est un combat global contre un modèle mondial de destruction. Depuis là où je suis, je vous tends la main, et je vous dis que votre lutte est juste, et elle est aussi la nôtre.
Ma voix est modeste, mais elle s’ajoute à la vôtre.
Une voix de femme née ici, les racines ailleurs, qui croit que les territoires ne nous appartiennent pas, mais que nous leur appartenons.
Et qui croit que ce lien humble, respectueux, peut encore exister.
Continuez à vous battre,
Montrez qu’il existe encore des endroits, et des gens, qui veulent simplement préserver ce qui les relie à la terre, à la nature, à la mémoire.
Depuis Romilly, je vous salue fraternellement.
Et j’ajoute ma voix à votre “Nous”.